Dans la tradition amérindienne, il y a aussi les Grands-Pères : Grands-Pères en Esprit et Anciens, énergies masculines ancestrales ou incarnées.
Restaurer notre énergie et les valeurs de notre vie de femme est le préalable à l’approche d’un équilibre masculin-féminin – en nous-mêmes aussi bien que dans nos relations.
Il y a en nous ces deux énergies (ou cette énergie double) et notre chemin est de les unir comme en une perpétuelle danse.
C’est aussi l’équilibre entre l’intériorisation et l’extériorisation, la tranquillité et l’action, le choix du cœur et la pensée, toujours en mouvement.
*************
« Dans notre société wabanaki », écrit Sherri Mitchell, « hommes et femmes sont égaux et partagent l’égale responsabilité de s’occuper de tous les aspects de la vie : les femmes s’occupent de la naissance et de la mort. Elles donnent naissance aux enfants, prennent soin d’eux et les instruisent dans les premières années de leur vie. (…)
Traditionnellement, elles s’employaient à récolter la nourriture et même à chasser, et elles construisaient les abris pour leurs familles. Elles s’occupaient de tout ce qui était nécessaire pour prendre soin de la vie. Et, au moment de la mort, elles séparaient la vie du corps en faisant des cérémonies où leurs chants guidaient l’esprit du défunt de l’autre côté, et elles préparaient le corps pour son retour à la terre.
Le travail des hommes impliquait de connecter à la Terre la vie qui s’était incarnée. Les hommes enseignaient aux plus jeunes les chemins de la forêt et à écouter la terre. Ils leur apprenaient à naviguer sur les eaux et à s’occuper du feu. Les femmes amenaient la vie dans le monde et maintenaient ensuite la connexion entre cette vie incarnée et le monde de l’esprit. Et les hommes connectaient cette vie à la Terre et lui offraient leur protection. Ce système a fonctionné, jusqu’à l’arrivée du patriarcat.
Le patriarcat a éjecté les hommes de leur rôle de protecteurs de la vie, et l’a orienté vers la protection des biens matériels. Il a aussi perverti le rôle du féminin, en écartant les femmes du pouvoir de leur cœur et de leur esprit, et en les convaincant que le seul pouvoir était celui proposé par la structure patriarcale. (…)
Le patriarcat n’est pas l’exclusivité du masculin. Les idées qui lui sont associées sont inscrites en chacun de nous. Si nous voulons nous en défaire, nous devons reconnaître que nous avons tous été complices de son existence ininterrompue… »
*************
J’ai cherché s’il existait des textes d’hommes s’interrogeant sur nos croyances en matière d’amour et de sexualité, des hommes qui s’intéressent à cette danse, à ce mouvement d’union et de différence entre masculin et féminin, en nous-mêmes et dans la société.
C’est ainsi que j’ai eu en mains le livre de Robert Lawlor (décédé en 2022), Earth Honoring, The New Male Sexuality.
Paru aux États-Unis en 1989 (il y a plus de 35 ans !), il n’est pas traduit en français. Certaines de ses affirmations m’ont semblé discutables, mais il ouvre des pistes de réflexion passionnantes.
Son propos est bien différent d’une compréhension de la sexualité tournée vers l’assouvissement du désir, ou la satisfaction d’un instinct ou de pulsions (ou désir de consommation), et de la tendance à faire des relations amoureuses un élément de notre paysage intérieur, c’est à dire à ne pas tenir compte de la force de transformation que l’amour nous offre naturellement.
– Il considère que le sentiment de soi, le sentiment de la société et celui de la spiritualité sont inséparablement liés à la sexualité. Il explore donc le rôle de la sexualité dans ces trois domaines essentiels et essaie de montrer comment le déséquilibre de la sexualité – et plus précisément de la sexualité masculine – est au cœur de nombreux problèmes contemporains.
Voici ce que j’en comprends : ces problèmes proviendraient essentiellement, et dans ces trois domaines, du sentiment de supériorité du masculin (inhérent aux croyances d’un patriarcat de pouvoir) avec les abus de domination qu’il autorise, et les programmations qu’il induit dans le psychisme et les comportements. Ce sont les mêmes abus qui s’exercent sur la terre, sur les peuples de la terre, sur la nature et les sources de vie, et sur la sexualité féminine en ce qu’elle connecte l’humanité à la fertilité et à la force de vie de la terre et de l’univers.
– Il nous explique que la vie même est faite d’énergie polarisée : toute chose se conçoit dans la polarité (contraire ou complémentaire), tout mouvement va d’un extrême à son opposé (vie/mort). La polarité masculin-féminin, semblable au battement de cœur, est ce qui se vit dans la sexualité. Et elle est en relation avec l’univers, puisque l’univers tout entier peut se comprendre comme une vibration de polarisation d’énergie.
– Il avance donc l’idée que l’humanité honore les processus de la Terre en reflétant cet équilibre polarisé dans nos vies, et qu’elle maintient cet équilibre à travers notre sexualité. La Terre et le Ciel sont les symboles cosmiques du Féminin et du Masculin universels. La Terre étant la représentation physique première des qualités du Féminin universel, nos attitudes et actions envers le féminin se reflètent dans nos attitudes et actions envers la Terre.
– Il nous propose d’accepter, de reconnaître, et de vivre la sexualité en tant que forme de communication avec le sacré.
*